Cahiers de l'Unité Revue d'études des doctrines et des méthodes traditionnelles Lien ici Marc Brion, « Génération spirituelle de René Guénon », Cahiers de l’Unité, n° 1, janvier-février-mars, 2016 (en ligne). Introduction Si nous abordons la question de la génération spirituelle personnelle de René Guénon, c’est que son œuvre exigeait une réalisation initiatique effective. Cela va de soi, mais la mentalité occidentale est à ce point obscurcie par des idées fausses que cette vérité ne s’impose pas d’évidence à tout le monde, et qu’il n’est certainement pas inutile d’y revenir. La connaissance des modalités de cette réalisation permet non seulement d’expliquer les particularités de ses premiers écrits, mais offre aussi et surtout une compréhension plus profonde de son œuvre et du véritable statut de celle-ci. L’appréhension de ces modalités a été rendue possible par Guénon lui-même grâce à des indications, directes ou indirectes, disséminées dans son œuvre et sa correspondance. On ne s'est pas interrogé sur la présence de ces remarques d'ordre strictement personnel qui sont en contradiction flagrante avec son enseignement, souvent répété, selon lequel les individualités ne comptent pas au regard des idées. Elles offrent en réalité des réponses indicatives aux questions que la nature et les formes de son enseignement suscitent inévitablement. (1) Il lui était naturellement impossible d’apporter ouvertement et publiquement certains éclaircissements le concernant directement. (2) Toutefois, il a jugé nécessaire de permettre à ses lecteurs qualifiés d’envisager des explications relatives à son cas spirituel et à sa fonction. La présence de ces allusions permet non de présenter des renseignements biographiques selon la manière moderne, mais d'appliquer légitimement à son propre cas l’enseignement des doctrines initiatiques. Typologie initiatique Bien que particulières et exceptionnelles, les modalités de la réalisation de René Guénon appartiennent néanmoins à la typologie initiatique générale. Elles relèvent de la catégorie de ce que l’on a parfois appelé les « initiations spontanées. » Cette désignation paradoxale recouvre une réalisation immédiate, quelle qu’en soit le degré, consécutive à une initiation qui peut être qualifiée de directe, car ne provenant pas des voies de transmission des influences initiatiques instituées historiquement. Une référence se rapportant précisément à ce type d’initiation, qui illustre ce que nous avançons, est donnée par Guénon dès son premier livre alors qu’il n’avait pas encore établi techniquement pour ses lecteurs la notion même d’initiation. (3) Il convient de rappeler à cette occasion que celle-ci était totalement incomprise dans tout le monde occidental avant de recevoir sa définition dans une série d’articles qui débuta seulement en septembre 1932. (4) Il est également significatif qu’il fasse état de cette possibilité initiatique à plusieurs reprises dans son œuvre, mais seulement d’une manière éparse et graduelle. (5) Selon la doctrine hindoue, la tendance actuelle du « devenir » des êtres est déterminée par la proportion des trois gunas à laquelle ils sont soumis. Râmakrishna fait ainsi mention d’une caractéristique spirituelle chez ceux qui naissent avec une dominance « sattwique » (divyabhâva) (6) : « Bien qu’en règle générale la fleur apparaisse avant le fruit, il y a néanmoins parmi les plantes des exceptions, où le fruit vient avant la fleur. De même, la plupart des gens n’arrivent à la réalisation de Dieu qu’après avoir traversé les sâdhanâs, mais il y a parfois des âmes qui atteignent à la réalisation de Dieu d’abord, et n’exécutent les sâdhanâs qu’ensuite. » (7) Ce sont ces cas extrêmement rares qui sont concernés par cette initiation directe et qui ne s'expliquent, principalement, que par la qualification particulière dont Guénon traite spécialement dans son article intitulé « Sagesse innée et Sagesse acquise. » (8) Comme il l’indique, cette possibilité apparaît comme un dernier vestige de l’état primordial à notre époque. On peut donc dire que par affinité naturelle, l’initiation que reçoivent de tels êtres procède alors directement du lieu « sattwique » par excellence, (9) c’est-à-dire du Centre spirituel suprême, source de toutes les initiations et de toutes les formes traditionnelles, centre dont il donnera d’ailleurs le premier la définition en précisant qu’il conserve le dépôt immuable de la Tradition primordiale. (10) En effet, « dans les périodes d’obscurcissement cyclique, une relation avec le Centre est encore possible parfois, mais d’une façon tout à fait exceptionnelle, par des manifestations isolées et temporaires de certains représentants de ce Centre, ou par des communications reçues individuellement à l’aide de moyens plus ou moins extraordinaires, anormaux comme la situation même qui oblige à y recourir. » (11) Les doctrines initiatiques enseignent que cette initiation immédiatement effective provoque l’ouverture d’une faculté supra-individuelle que Guénon désigne comme l’« intuition intellectuelle directe. » (12) L’ouverture de cette faculté supra-individuelle correspond sous un de ses aspects à ce que le lexique technique du soufisme appelle un fath (13), terme générique que l’on traduit notamment par « ouverture de grâce », « victoire spirituelle », « illumination » ou encore « révélation. » (14) Comme exemples de réalisations spontanées liées à des fonctions sacrées, on citera ceux de figures célèbres aussi bien en Orient qu’en Occident, comme Shrî Shankarâchârya, Shrî Ramana Maharshi (15) ou Shrî Anandamayî Mâ (16) du côté hindou et le Cheikh al-Akbar Muhyu-d-Dîn 'Ibn Arabî ou l’Émir 'Abd al-Qâdir l’Algérien du côté islamique. (17) Il n’est d’ailleurs sans doute pas fortuit que l’on puisse déceler entre ces cas et celui de René Guénon des liens multiples à des degrés divers et de différentes manières. (18) Science innée et science acquise Précisons que la réalisation de la Connaissance essentielle, même dans son degré suprême, n’implique pas nécessairement la connaissance exacte des domaines particuliers, ni celle de savoir faire les applications correspondantes. Parfois, il y a lieu d’envisager une formation intellectuelle secondaire, variable selon les cas, qui nécessite un temps d’acquisition, au moins minimum. Dans Orient et Occident, R. Guénon signale d’ailleurs que les moyens de coordonner et d’exprimer ce qui est conçu de la sorte ne sont pas simultanés. Son propre cas est ainsi « comparable aussi à ce que serait, dans l’ordre de la connaissance théorique, celui de quelqu’un qui possède déjà intérieurement la conscience de certaines vérités doctrinales, mais qui est incapable de les exprimer parce qu’il n'a pas à sa disposition les termes appropriés, et qui, dès qu’il les entend énoncer, les reconnaît aussitôt et en pénètre entièrement le sens sans avoir aucun travail à faire pour se les assimiler. Il peut même se faire que, lorsqu’il se trouve en présence des rites et des symboles initiatiques, ceux-ci lui apparaissent comme s’il les avait toujours connus, d’une façon en quelque sorte “intemporelle”, parce qu’il a effectivement en lui tout ce qui, au-delà et indépendamment des formes particulières, en constitue l’essence même ; et, en fait, cette connaissance n’a bien réellement aucun commencement temporel, puisqu’elle résulte d'une acquisition réalisée en dehors du cours de l’état humain, qui seul est véritablement conditionné par le temps. » On aura compris qu’il parlait ici, en premier lieu, de lui-même. (19) Pendant cette période, la forme des applications peut apparaître différente de ce qu’elle sera plus tard au terme de cette préparation. Ceci, surtout, quand cette formation s’accomplit en dehors de tout milieu traditionnel ou dans un milieu traditionnel déficient. Dans une situation traditionnelle régulière, et sans parler ici de certains cas particuliers, il y a généralement corrélation, si ce n’est complémentarisme, entre la « science acquise » et ce que l’on peut appeler la « science infuse. » (20) En ce qui concerne René Guénon, on établira une analogie entre cette période d’acquisition et celle qui couvre tous ses écrits, y compris ceux qui n’ont pas été publiés, jusque vers 1917 au plus tard, c’est-à-dire pendant une époque dont la fin est marquée extérieurement par son séjour en Algérie. Tous les textes publiés alors ne sont pas signés « René Guénon », (20 bis) et il faut certainement considérer cette particularité comme un signe caractéristique de cette période de formation, même s’il y eut en même temps une autre signification à l’emploi de différentes signatures. Cette autre raison, complémentaire de la précédente, est exposée dans le texte intitulé « Noms profanes et noms initiatiques », publié en janvier 1935, où il est question de noms désignant « des “entités” effectivement différentes » chez un même être. (21) Comme en témoigne la similitude des termes employés dans une lettre du 17 juin 1934, René Guénon l’appliquait à lui-même : « Chaque fois que je me suis servi ainsi d’autres signatures, il y a eu des raisons spéciales, et cela ne doit pas être attribué à R[ené] G[uénon], ces signatures n’étant pas simplement des “pseudonymes” à la manière “littéraire”, mais représentant, si l’on peut dire, des “entités” réellement distinctes. » (C’est nous qui soulignons) Ses noms initiatiques représentaient ainsi des modalités différentes en son être et correspondaient à des degrés successifs d’initiation effective, impliquant « mort » et « renaissance », en relation avec autant d’aspects d’une même fonction générale. Génération orientale C’est également au début de cette période de formation, sans doute vers 1907 d’après une de ses lettres (22), qu’il entra en relation, à Paris, avec des représentants de la tradition hindoue appartenant à la caste des brahmanes et que lui fut transmis une initiation régulière du lignage initiatique remontant à Shankarâchârya, avec un enseignement oral des doctrines hindoues. (23) Pour comprendre comment René Guénon, bien que né en dehors de l’hindouisme, a pu recevoir régulièrement ce rattachement et cet enseignement de la part de brahmanes, il convient de rappeler que le principe de l’institution des castes dans la tradition hindoue « n’est pas strictement héréditaire en principe. » (24) Il est fondé sur la différence des natures individuelles et n’est qu’une application particulière de la doctrine des gunas dans l’ordre de l’organisation sociale. Comme il devait l’indiquer lui-même, tous les êtres de ce monde, suivant leur nature propre, rentrent toujours « dans le cadre des quatre varnas, qui seuls constituent la hiérarchie fondamentale. » (25) Des sciences traditionnelles – sâmudrika (physiognomonie) et jyotish (astrologie) notamment – permettent de déterminer ainsi pour chaque être humain, quel qu’il soit, le varna auquel il appartient véritablement. Malgré le caractère néanmoins exceptionnel d’un tel rattachement, il n’y avait donc pas d’empêchement pour lui à recevoir une dîkshâ de la part de brahmanes, c’est-à-dire un rattachement et un enseignement de forme vêdique. (26) Non seulement il n’y avait pas d’empêchement de principe, mais la dominance « sattwique » de son état d’ativarnâshramî s’y prêtait naturellement. (27) On ne s’étonnera pas de la présence de brahmanes à Paris si l’on se souvient qu’à cette époque Paris était un des foyers de la résistance hindoue à l’occupation anglaise en Inde. Les figures principales de cette communauté hindoue étaient pour la plupart d’éminents brahmanes, dont certains pensaient qu’il était nécessaire de faire connaître les doctrines hindoues à l’Occident afin que celui-ci prenne conscience qu’il ne pouvait prétendre dominer et régir la civilisation immémoriale de l’Inde. Il y avait, par exemple, Bal Gangadhar Tilak (1856-1920) qui était à la fois un représentant de l’advaita Vêdânta et un chef indépendantiste. Egalement historien, il publiera des travaux sur l’antiquité des Vêdas, dont, en 1903, L’Origine polaire de la tradition védique (The Arctic Home in the Vedas) que Guénon citera à plusieurs reprises. Parmi bien d’autres, il rencontra notamment Vinayak Damodar Savarkar chez Madame Bhikaiji Cama, par l’intermédiaire de la Paris Indian Society. (28) Cet enseignement traditionnel lui offrit les moyens de coordonner et d’exprimer les connaissances acquises lors de son « ouverture » initiatique exceptionnelle, évitant ainsi sans doute que ces connaissances restent fragmentaires, comme cela peut se produire. Il le précisa également dans Orient et Occident. On notera qu’il donnait, là encore, une indication de caractère technique avant le début de ses articles sur l’Initiation, indication qu’il reprendra d’ailleurs plus tard. Dans cette perspective, il écrivait : « Nous n’avons pas la prétention d’avoir atteint par nous-même et sans aucune aide les idées que nous savons être vraies, nous estimons qu’il est bon de dire par qui elles nous ont été transmises, d’autant plus que nous indiquons ainsi à d'autres de quel côté ils peuvent se diriger pour les trouver également ; et, en fait, c’est aux Orientaux exclusivement que nous devons ces idées. » (29) On remarquera que, dans sa formulation, cette déclaration contient l’attestation d’une connaissance personnelle de la nature véridique des idées atteintes. René Guénon traite toujours de ce qu’il connaît ou vérifie par sa propre réalisation spirituelle. C’est cette réalisation qui explique des affirmations comme celle que nous avons déjà citée selon laquelle il n’a pas à « chercher la vérité » ici ou là, parce qu’il sait qu’elle est dans toutes les traditions. Si René Guénon parlait des « Orientaux » d’une façon générale quant à la transmission des idées véritables, c’est que l’action initiale de membres d’un centre initiatique hindou s’inscrivit dans un ensemble cohérent d’influences émanant des principaux centres initiatiques orientaux en relation effective avec le Centre spirituel suprême. (30) Comme l’indique Michel Vâlsan, il « fut l’instrument choisi de la spiritualité orientale » et c’est sur lui que « les fonctions doctrinales et spirituelles de l’Orient traditionnel se concentrèrent en quelque sorte pour une expression suprême. » (31) À l’action initiatique immédiate et verticale du Centre suprême se sont ajoutées, sous la forme d’apports initiatiques et doctrinaux, les interventions successives et horizontales, si l’on peut dire, des trois grandes traditions orientales. Cette « génération orientale » personnelle de René Guénon ne pouvait être en contradiction avec sa fonction représentant « la conscience traditionnelle et initiatique de façon universelle » puisque, comme il l’écrivait, « le dépôt de la Tradition primordiale a été transféré en Orient, et que c’est là que se trouvent maintenant les formes doctrinales qui en sont issues le plus directement ; c’est ensuite que, dans l’état actuel des choses, le véritable esprit traditionnel, avec tout ce qu’il implique, n’a de représentants authentiques qu’en Orient. » (32) Ce transfert correspond à la localisation souterraine et orientale du Centre suprême pendant le Kali-Yuga. Ceux qui déclarent que « l’Orient traditionnel n’existe plus de nos jours » à la suite d’observations superficielles engendrées elles-mêmes, le plus souvent, par des raisons intéressées, veulent croire, ou faire croire qu’aujourd’hui l’Orient a atteint le même degré de dégénérescence spirituelle que l’Occident. Ne pouvant comprendre ou admettre les conclusions qui s’imposent quant au sort de l’Occident envisagé à partir des trois hypothèses formulées par Guénon dans son premier livre, cette invraisemblable négation de l’Orient immuable permet de substituer à ces conclusions des conceptions eschatologiques aussi sommaires qu’illusoires. Ces dernières ne peuvent qu’empêcher l’esprit de l’homme d’Occident de « prendre conscience de ses possibilités de vérité par rapport à un ordre humain total » et de fournir un point d’appui efficace à l’aide de l’Orient. Même s’il est vrai que l’obscurité doit s’étendre partout avant la fin du Kali-Yuga, au chapitre IX de La Crise du Monde moderne Guénon précise que l’élite, dans les civilisations orientales, c’est-à-dire les gardiens du véritable esprit traditionnel vivant, pourra être réduite à un très petit nombre, mais subsistera jusqu’au bout, « parce qu’il est nécessaire qu’il en soit ainsi pour garder le dépôt de la tradition qui ne saurait périr, et pour assurer la transmission de tout ce qui doit être conservé. » Si la tradition hindoue intervient tout de suite dans le prolongement de l’initiation directe de René Guénon, c’est que cette tradition, qui est la première en date dans le cycle humain, joue un rôle axial par rapport aux autres traditions. (33) En étant la tradition « qui dérive le plus directement de la Tradition primordiale » parmi toutes les autres formes traditionnelles vivantes, les modes d’expression de ses doctrines « sont relativement plus assimilables », elles réservent les « plus larges possibilités d’adaptation » et présentent « les plus grands avantages quant à l'exposition » pour la mentalité occidentale. Sur ce caractère privilégié de la tradition hindoue, Michel Vâlsan a cité deux cas attestés par l’histoire de la tradition initiatique. Ils intéressent plus particulièrement le monde occidental comme des exemples du processus historique de réintégration des formes traditionnelles au Centre spirituel suprême : l’un est le transfert final du Graal par Perceval et la reconstruction de son Temple en Inde ; l’autre est la retraite en Asie des Rose-Croix peu après la guerre de Trente Ans. D’après lui, la mention de l’Inde dans ces deux cas « veut dire que c’est sa tradition qui fut le point d’appui de cette résorption. » En même temps, il faisait remarquer que la dernière note du dernier chapitre de L’Homme et son devenir selon le Vêdânta se rapporte au retrait des Rose-Croix en Asie et « que cette mention qui ne semblait pas spécialement appelée par le contexte, apparaît tout à la fin d’un livre capital de l’œuvre guénonienne et qui concerne justement l’Inde. » (34) De ce point de vue, l’apparition en Occident de l’enseignement de René Guénon, considéré en tant que remanifestation de la Connaissance primordiale gardée au Centre suprême et utilisant spécialement les ressources des doctrines hindoues, peut être envisagée comme une expression de l’aspect inverse et complémentaire de la possibilité de résorption mentionnée par Michel Vâlsan. Il était donc dans l’économie naturelle des forces traditionnelles que l’Hindouisme intervînt le premier comme point d’appui principal pour l’accomplissement de la fonction de René Guénon. Marc Brion 1. Quelques-unes de ces indications sont parfois difficiles à expliquer sans risque d’erreur, en tout cas pour nous et pour l’instant du moins, comme celle figurant à la fin d’un compte rendu d’août 1946 dans lequel, répondant à l’un de ses habituels contradicteurs, il déclare : « Nous pouvons lui assurer qu’il y a d’excellentes raisons, et qui ne datent certes pas d’hier, pour que nous connaissions beaucoup mieux que lui les deux saints Jean et leur rôle solsticial ! » 2. Il fit cependant directement et publiquement mention de sa propre réalisation au moins une fois dans un article en parlant du caractère autrement formidable de la « réalisation métaphysique » que ne peut le penser ni même en avoir le moindre soupçon quelqu’un « qui se figure que nous ne sommes qu’une sorte de théoricien. » (« Atlantide et Hyperborée », Le Voile d’Isis, octobre 1929) À l’intention de correspondants qui se plaçaient eux-mêmes à un point de vue « un peu trop exclusivement “théorique” » et qui ne tenaient pas assez « compte de certaines “réalités” », il s’éleva à de nombreuses reprises contre l’idée qu’il ne fût qu’une « sorte de théoricien de cabinet ou de bibliothèque » ; « tel n’est pas le cas, bien loin de là », précisait-il dans une lettre du 6 mars 1932. 3. Cf. Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, ch. XVI. 4. Cf. « Des conditions de l’initiation » ; repris comme chapitre IV des Aperçus sur l'Initiation. 5. Cf. Orient et Occident, ch. IV, deuxième partie ; Aperçus sur l’Initiation, ch. X ; Initiation et Réalisation spirituelle, ch. V, XX et sa notice sur les Pages dédiées à Mercure par Abdul-Hâdî, rééditée en appendice du chapitre V du même ouvrage. 6. Sachant que Prakriti ne peut être fractionnée, aucun des troisgunas n’est totalement absent chez les êtres. Néanmoins, en Occident, à la fin du Kali-Yuga, la nature dominante de la plus grande majorité est « rajasique » (Vîrabhâva) ou/et « tamasique» (Pashubhâva). 7. Une sâdhanâ est l'exercice continu d'une méthode de réalisation spirituelle. Cf. L’enseignement de Râmakrishna, 331, 879, 1159, 1225, 1395, (Paroles groupées et annotées par Jean Herbert, Paris, 1972). Sur les premières éditions de cet ouvrage, on se reportera à l’appréciation de Guénon dans Etudes sur l'Hindouisme et à celle d' A. K. Coomaraswamy dans une lettre du 11 août 1947 (Selected Letters of Ananda Coomaraswamy, p. 41, New Delhi, 1988). Une distinction similaire est bien connue dans l’ésotérisme islamique. Ghazâlî, pour citer un auteur parmi d’autres, différencie ceux qui parcourent tous les degrés distincts de la progression et de l’ascension spirituelle d’avec ceux dont le cheminement a été court en parvenant immédiatement à la connaissance de la sainteté et de la transcendance : « Ils ont été alors envahis dès le début par ce qui n’arrive aux autres qu’à la fin, et assaillis d’un seul coup par la manifestation divine (tajallî). » (Le Tabernacle des Lumières (Michkât al-Anwâr), ch. III, traduction de l'arabe et introduction par Roger Deladrière, Paris, 1981) 8. Cf. Initiation et Réalisation spirituelle, ch. XXII. 9. On sait qu’aux trois gunas correspondent des couleurs symboliques et que sattwa est représenté par le blanc. Si certains noms expriment encore, parfois, la nature profonde des êtres, on peut alors rappeler que le nom avec lequel il signa ses livres vient du celtique gwen qui veut dire « blanc » ou « lumineux. » Le mot celtique gwenan, de même racine, désigne l’ « abeille. » Selon Pline, ce sont des abeilles qui se posèrent sur la bouche de Platon pour lui insuffler la Sagesse. C’est un symbole de l’inspiration divine. 10. Dans des lettres du 14 mars 1937 et du 31 janvier 1938, Guénon fait correspondre cette modalité initiatique aux « Solitaires », catégorie d’initiés qui dépendent directement du Centre suprême dans l’ésotérisme islamique. (Cf. Initiation et Réalisation spirituelle, Appendice au ch. V) Cette relation directe explique sa déclaration figurant dans un compte rendu de décembre 1947 : « Nous n’avons point à “chercher la vérité” ici ou là, parce que nous savons (et il nous faut insister sur ce mot) qu’elle est également dans toutes des traditions. » Dans une lettre du 2 août 1949, il précise que la voie des Solitaires « est quelque chose de tout à fait exceptionnel, et personne ne peut la choisir par lui-même ; il s’agit d’une initiation reçue en dehors des moyens ordinaires et appartenant en réalité à une autre chaîne [que celle de la transmission “historique” ]. » Il ajoute que dans l’ésotérisme hébraïque, la distinction entre le Pôle et le « Maître des Solitaires » s’exprime à travers la dualité de Metatron et Sandalphon, les « deux frères “doués d’une perpétuelle jeunesse” » précise-t-il dans une autre lettre du 20 février 1950. 11.Aperçus sur l’Initiation, ch. X. Dans une lettre du 18 avril 1949, il écrivait : « Quant à une initiation reçue en dehors des voies ordinaires de rattachement à une organisation connue, il y en a certainement eu des exemples, mais ce ne sont là que des exceptions extrêmement rares, et personne ne peut compter qu’il se trouvera dans un pareil cas pour se dispenser d’un rattachement normal ; penser autrement serait se faire les plus graves illusions. » 12. Cf. Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, ch. II, V, X ; Orient et Occident, ch. IV ; Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. VIII ; La Crise du Monde moderne, ch. III et IV ; etc. Il précise que c’est dans le cœur que réside l’intuition intellectuelle (cf. Symboles fondamentaux de la Science sacrée, ch. LXIX). Dans l’article de 1929 que nous avons déjà cité, il mentionnera « l’intuition intellectuelle » en faisant publiquement et directement référence à sa propre réalisation : « Il n’y a pas d’autre intuition véritable que l’“intuition intellectuelle”, d’ordre supra-rationnel ; il y a d’ailleurs là quelque chose d’autrement formidable que ne peut le penser quelqu’un qui, manifestement, n’a pas le moindre soupçon de ce que peut être la “réalisation métaphysique”, et qui se figure probablement que nous ne sommes qu’une sorte de théoricien, ce qui prouve une fois de plus qu’il a bien mal lu nos écrits. » (Cf. art. cit., Le Voile d’Isis, octobre 1929) 13. Dans le Coran, la sourate al-Fath (« La Victoire ») est la quarante-huitième, mais elle est en réalité la cent onzième dans l’ordre de la révélation. C’est donc une sourate « polaire » (qutbâniyyah), ce qu’atteste encore le fait qu’elle contient le verset par la récitation duquel s’opère, selon sa modalité habituelle, la transmission initiatique dans l’ésotérisme islamique. (Sur le symbolisme du nombre 111, cf. « Un hiéroglyphe du Pôle », Les Symboles fondamentaux, ch. XV) 14. C’est le terme al-Ishrâq (« l’Illumination ») qui figurait en arabe sur la couverture de la revue La Gnose. Les autres étaient, en sanskrit : Jñâna (Connaissance) ; en chinois : Tao et en hébreu : Da’at (Connaissance). Ce qui montre, s’il en était besoin, que le titre de la revue voulait bien signifier « Connaissance » et non « Gnosticisme. » Voir aussi, R. A. Stein, « Illumination subite ou saisie simultanée. Note sur la terminologie chinoise et tibétaine», Revue de l’histoire des religions, t. 179, n° 1, pp. 3-30, 1971. 15. L’intervention du Centre suprême est représentée pour lui de manière évidente par la montagne Arunachala, qui fut, comme il le disait lui-même, son guru non-humain. (Cf. Arthur Osborne, Ramana Maharshi and the Path of Self-Knowlege, ch. XIV, trad. franç., Paris, 1957) Dans le Skanda Purâna, Arunachala, la Montagne rouge de la Sagesse, est appelée « Cœur du Monde » et « Secret et centre sacré du cœur de Shiva » (cf. Ramana Maharshi, Œuvres réunies, Paris, 1979). A propos de guru non-humain, il y a en Occident le cas de saint Bernard qui, d’après La Légende dorée, n’eut jamais d’autres maîtres que les chênes et les hêtres. On connaît le symbolisme polaire du chêne (cf. Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. IV) ; quant au hêtre, il faut remarquer que dans la plupart des langues germaniques, le mot qui sert à le désigner ressemble étroitement à celui qui désigne le livre (all. Buch : livre, et Buche : hêtre) ; en vieil-anglais boc désignait aussi bien le « hêtre » que le « livre. » C’est le rapport du symbolisme de l’« Arbre de Vie » avec celui du « Livre de Vie » qui éclaire le sens profond de ce double sens. C’est également à ce symbolisme que se rattache la mention du hêtre par Virgile au premier vers des Bucoliques et au dernier vers des Géorgiques (Sur l’arbre comme « Axe du Monde », cf. Jean-François Poignet, « Visions médiévales de l’Axe du Monde », Revue de l'histoire des religions, t. 205, n° 1, p. 27, 1988). 16. On peut probablement identifier l’énigmatique « personne de bel aspect, entourée d'une lueur rouge, qui portait le cordon sacré », dont elle eut l'apparition à Bajipur, comme un représentant du Centre suprême. (Cf. Mâ Anandamayî Lîlâ, Memoirs of Hari Ram Joshi, ch. II, Calcutta, 1974) En Occident, il y a l'exemple connu, cité par Guénon, de Jacob Bœhme dont le contact avec le Centre du Monde « fut établi par la rencontre d'un personnage mystérieux qui ne reparut plus par la suite. » (Aperçus sur l'Initiation, ch. X et Initiation et Réalisation spirituelle, ch. V) Dans l’ésotérisme islamique, les interventions du Centre spirituel suprême sont généralement représentées par la fonction du Khidr, tandis que dans l’ésotérisme hébraïque, c’est à Élie qu’elles sont rapportées ; dans cette tradition, celui-ci correspond d’ailleurs à Sandalphon, tandis que Metatron est en relation avec Hénoch. 17. À leur sujet, on peut notamment consulter les ouvrages de M. Michel Chodkiewicz. 18. Il faudrait une autre occasion pour traiter de ce que l’on pourrait appeler la « Communauté universelle des Saints. » C’est « la Nef Rouge » ou « l’Arche Céleste » à laquelle fait allusion Nasafî dans son Traité sur l’Homme Universel. 19. Cf. « Sagesse innée et Sagesse acquise. » Dans une lettre du 14 août 1921, il précise : « j’ai, à défaut de beaucoup d’autres prétentions, celle d’être capable de ne parler que de ce que je connais et dans la mesure où je le connais, et, sur tout le reste, de savoir garder le silence. » Selon l’Émir 'Abd el-Kader, savoir reconnaître son ignorance constitue la moitié du savoir (Cf. Écrits spirituels, ch. 10, présentés et traduits de l’arabe par Michel Chodkiewicz, Paris, 1982). 20. Cette conjonction correspond symboliquement, selon une de ses multiples significations, à ce « Confluent des deux Mers (majma’ al-bahrain) » mentionné au verset 60 de la sourate XVIII du Coran, c’est-à-dire à la station spirituelle des Solitaires. Ce « Confluent » est le lieu où se tient le détenteur, perpétuellement vivant, de la science infuse qui a le poisson pour symbole. Cette correspondance symbolique explique l’allusion de R. Guénon à Coomaraswamy à propos d’al-Khidr dans une lettre du 5 novembre 1936. 20bis. Sa conférence sur « L'enseignement initiatique » faite à la Loge Thébah le 7 octobre 1912, publiée sous son nom dans Le Symbolisme de janvier 1913, est une exception. Elle était réservée à un milieu maçonnique (cf Science sacrée, n° 5 - 6, p. 8, mai 2004). 21. Repris au chapitre XXVII des Aperçus sur l’Initiation. Il y avait déjà fait allusion en mars 1931, dans une réponse à un de ses contradicteurs, au sujet de son emploi du « nous » dont, rétorquait-il, outre la question d’usage et de convenance, le « pluriel se trouve être susceptible d'une intéressante signification initiatique. » En février 1933, en répliquant à des attaques qui visaient ses débuts, il affirmait encore « que ceux de nous qu’elles prétendent viser sont morts depuis bien longtemps ! » La mortalité affectant ces « entités » nous semble remettre en cause une hypothèse selon laquelle celles-ci correspondraient à ce que le Lamaïsme désigne sous le nom de tulkous, c'est-à-dire soit des projections de principes spirituels, soit des agrégats psychiques. 22. La précocité de R. Guénon est bien connue. À l’âge de vingt-quatre ans, au Rite Écossais, on lui avait déjà fait la réputation de connaître la Maçonnerie mieux que beaucoup de membres du Suprême Conseil. Signalons au passage que c’est Oswald Wirth qui empêcha qu’il fasse partie du Suprême Conseil. Par pure mesquinerie, il avait promis que tant qu’il serait vivant, il s’y opposerait. Jean Reyor a fait remarquer que l’article « Le Démiurge », paru à partir de novembre 1909, alors qu’il avait vingt-trois ans, témoigne déjà d’une connaissance du Vêdânta. Il considère qu’ « il faut donc bien admettre que Guénon a eu, dès sa prime jeunesse, un contact avec un ou des représentants qualifiés de la tradition hindoue et plus spécialement de l’école Vêdânta adwaita. » Il ajoute que « la période de formation précédant la création de La Gnose où se trouve déjà en germe toute l’œuvre doctrinale des vingt années suivantes, peut avoir commencé en 1904-1905, dès l’arrivée à Paris » (« En marge de “La vie simple de René Guénon”, Etudes Traditionnelles, janvier-février, 1958). Dans son compte rendu d'un livre de Robert Ambelain, Dans l'ombre des cathédrales, paru en 1946 (mars-avril), il évoque des souvenirs, dont il dit que « cela doit dater de quarante ans », ce qui amène à 1906. 23. Il reçut de l'un de ses maîtres hindous une chevalière en or, gravée du monosyllabe sacré Om, qu’il porta jusqu’à sa mort. Dans une lettre du 21 octobre 1933, il disait que Shankarâchârya « dépasse tous les cadres où on voudrait prétendre l’enfermer. » On peut voir dans cette remarque un écho à sa déclaration, à propos de lui-même, selon laquelle « aucune “étiquette” occidentale ne saurait lui convenir. » Ce qui correspond à la remarque selon laquelle Shankara n’était pas exclusivement Shivaïte, Vishnuïte ou Shakta, mais le meilleur d’entre eux et pour lesquels il a institué les méthodes les plus appropriées. 24. « La caste n’est pas strictement héréditaire en principe, quoiqu’elle ait pu le devenir le plus souvent en fait et dans l’application. » (Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. I) 25. Cf. « Varna », Le Voile d’Isis, novembre 1935. Au chapitre III d’Autorité spirituelle et pouvoir temporel, il disait qu’« il y a toujours quelque chose de comparable à l’institution des castes, avec les modifications requises par les conditions propres à tel ou tel peuple. » Au chapitre VI de l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, il avait déjà signalé que « la distinction des castes est parfois appliquée, par transposition analogique, non seulement à l’ensemble des êtres humains, mais à celui de tous les êtres animés et inanimés que comprend la nature entière. » 26. On se souvient qu’il a précisé par écrit à André Préau qu’il avait reçu un enseignement oral des doctrines hindoues. L’accès régulier à l’étude des Écritures sacrées, c’est-à-dire au Vêda, constitué par le Rig-Vêda, le Yajur-Vêda, le Sâma-Vêda et l’Atharva-Vêda, est réservé à ceux qui possèdent les qualités d’ârya et de dwija (« deux fois né » par réception de l’upanayana). L’étude du Vêda est interdite aux serfs (shûdras), aux hors-castes (chândâlas) et aux « barbares non-hindous » (mlecchas) : « Que l’on verse du plomb fondu et de la laque dans les oreilles de celui qui a écouté le Vêda » ; « on doit lui couper la langue s’il prononce les paroles du Vêda ; on doit lui sectionner le corps s’il les mémorise. » (Michel Hulin, Shankara et la non-dualité, p. 168, Paris, 2001) On sait que c’est sur les textes védiques – et non sur les Tantras – que s’appuient les écrits de Guénon, tant dans ses premiers articles que dans ses grands livres comme l’Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, ou comme l’indique son titre même : L’Homme et son devenir selon le Vêdânta. Dans « Le Démiurge», en 1909, Palingénius fait appel au Vêdânta en le qualifiant de « plus orthodoxe de tous les systèmes métaphysiques fondés sur le Brahmanisme » et en citant l’Atmâ-Bodha de Shankarâchârya. C’est d’ailleurs dans le prolongement de Shankarâchârya que s’inscrit sa critique initiale de certaines branches du Bouddhisme. S’il consacre un chapitre de l’Introduction générale au Shivaïsme et au Vishnuïsme (chap. VII), il n’en consacre aucun auShaktisme qu’il ne mentionne qu’en passant. 27. « L’homme qui a atteint un certain degré de réalisation est dit ativarnâshramî, c’est-à-dire au-delà des castes (varnas) et des stades de l’existence terrestre (âshramas) ; aucune des distinctions ordinaires ne s’applique plus à un tel être, dès lors qu’il a dépassé effectivement les limites de l’individualité, même sans être encore parvenu au résultat final. » (Op. cit, ch. XXII. C’est nous qui soulignons) 28. Il dédiera à neuf d’entre ces grandes figures hindoues des poèmes métaphysiques et initiatiques. Dans une lettre du 12 février 1939, à propos d’un rattachement initiatique d’Aurobindo, il écrivait : « je pense, sans pouvoir l’affirmer, que, dès la première partie de sa vie, il avait dû recevoir quelques transmissions de Tilak lui-même, comme cela a été le cas pour d’autres que j’ai connus… » Le 12 mars 1938, il avait précisé qu’il n’avait jamais rencontré Aurobindo, « bien que nous ayons eu jadis un ami commun ; cela remonte d’ailleurs à près de 30 ans ! », ajoutait-il. Dans une autre lettre du 4 septembre de la même année, il écrivait : « Pour ce qu’il dit de Tilak, il s’exagère sûrement le degré que celui-ci avait atteint, bien qu’il ait eu des connaissances très réelles. Cette sorte d’initiation qu’il a reçue de lui paraît bien être quelque chose comme la transmission d’un mantra, avec l’influence spirituelle qui y est spécialement attachée, plutôt qu’une initiation d’un ordre plus étendu et plus complet. – Celui qui l’a préparé à son admission n’est-il pas Damodar Vinayak Savarkar ? Tout cela me rappelle de bien vieux souvenirs, d’une trentaine d’années environ… » Dans une lettre du 10 février 1939, il notait : « Sur Tilak lui-même, j’ai remarqué qu’il y avait, parmi ceux qui l’ont connu personnellement, des opinions extrêmement différentes : certaines vont jusqu’à le considérer comme un “jîvan-mukta”, tandis que d’autres prétendent qu’il n’a jamais été rien d’autre qu’un simple “scholar” ; il me semble qu’il y a là exagération à la fois dans un sens et dans l’autre... » D’aucuns, témoignant de cette « véritable haine du secret et de tout ce qui y ressemble de près ou de loin », propre à la mentalité moderne, n’admettent pas d’ignorer les noms des maîtres hindous de R. Guénon. Celui-ci n’étant « ni un traître ni un espion », comme il l’écrivait à un de ses correspondants, on ne voit pas pourquoi il aurait dû livrer les noms de ses maîtres orientaux en pâture au public et à la malveillance de certains individus qui le composent inévitablement, sans parler du fait qu’il pouvait avoir pris un engagement auprès d’eux sur ce point. 29. Orient et Occident, ch. IV, deuxième partie. Il y insiste dans sa « Conclusion » : « Ce que nous sommes intellectuellement, c'est à l’Orient seul que nous le devons. » (p. 225) Dans l’avant-propos de l’Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, il avait déjà indiqué qu'une des raisons qu’il avait eu d’écrire ce livre « serait de reconnaître en quelque façon tout ce que nous devons intellectuellement aux Orientaux, et dont les Occidentaux ne nous ont jamais offert le moindre équivalent même partiel et incomplet.» Il disait encore dans une lettre du 17 août 1924 : « Fort heureusement pour moi, j’ai connu les doctrines de l’Orient à une époque où j’ignorais à peu près complètement la philosophie de sorte que, quand j'ai étudié celle-ci, elle ne pouvait avoir aucune prise sur moi. J’y ai fait allusion à la fin d’Orient et Occident, parce que je tiens à ce qu'on comprenne bien que je ne suis pas allé de la pensée occidentale à la pensée orientale, mais que je suis, intellectuellement, tout à fait oriental. » 30. « La fonction de René Guénon et le sort de l'Occident », Etudes traditionnelles, juillet à novembre 1951. 31. Il ajoutait : « L’Hindouisme, le Taoïsme et l’Islam, ces trois formes principales du monde traditionnel actuel, représentant respectivement le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient et le Proche-Orient, qui sont, dans leur ordre et sous un certain rapport, comme les reflets des trois aspects de ce mystérieux Roi du Monde dont justement René Guénon devait, le premier, donner la définition révélatrice, projetèrent les feux convergents d’une lumière unique et indivisible que jamais œuvre de docteur n’eut à manifester aussi intégralement et amplement sur un plan dominant l'ensemble des formes et des idées traditionnelles. » (Ibid.) 32. Cf. La Crise du Monde moderne, ch. II et « L’Esprit de l’Inde » dans Etudes sur l’Hindouisme. 33. L’Islam joue un rôle analogue en étant la dernière et c’est pour cela que ces deux traditions « doivent intégrer également, quoique sous des modes différents, toutes ces formes diverses qui se sont produites dans l'intervalle. » (« Sanâtana Dharma », Cahiers du Sud, 1949, repris dans Etudes sur l'Hindouisme) De ce point de vue, les rattachements initiatiques de René Guénon ne sont pas sans évoquer une réalisation microcosmique des « mystères de la lettre Nûn. » 34. L’Islam et la fonction de René Guénon, ch. VIII, 2, note 65, Paris, 1984. - Artículo* en Al-Simsimah - Más info en psico@mijasnatural.com / 607725547 MENADEL Psicología Clínica y Transpersonal Tradicional (Pneumatología) en Mijas y Fuengirola, MIJAS NATURAL *No suscribimos necesariamente las opiniones o artículos aquí enlazados
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