Connaissance et amour sont apparemment incompatibles : c'est un des problèmes les plus graves de la condition humaine. L'amour, l'affect, le ressenti, la poésie semblent si différents de la connaissance, de la pensée, de la logique ! Cette dernière rend lucide au prix d'un assèchement du cœur ; la première l'assouplit, mais au prix d'un terrible aveuglement. Toutefois, est-ce si vrai ? Utpaladeva nous assure qu'il n'en est rien : yady athāsthitapadārthadarśanaṃ yuṣmadarcanamahotsavaś ca yaḥ / yugmam etad itaretarāśrayaṃ bhaktiśāliṣu sadā vijṛmbhate // "La vision des choses telles qu'elles sont et l'immense fête de ton adoration forment un couple qui se porte l'un l'autre, un couple qui grandit sans cesse pour tes amoureux." Utpaladeva, Hymnes à Shiva, XIII, 7 (N.B. : suite à une erreur de manipulation que je ne remarque que maintenant, ce verset figure bien dans l'introduction, p. 10 du livre paru aux édition Arfuyen, mais pas dans la traduction elle-même... je prie mes lectrices et lecteurs de bien vouloir m'excuser) Plus qu'une compatibilité, ce verset évoque bien une complémentarité : connaissance et amour se portent mutuellement. Kshema Râja, dans son Explication de ces hymnes, justifie brièvement cette complémentarité par le fait que connaissance et amour, ou philosophie et mystique sont toutes les deux manifestées par la Conscience universelle. Or, Ânanda Vardhana, le grand poéticien du Cachemire et sans doute le plus profond de l'Inde, avait déjà composé un verset similaire dans son La Splendeur de la résonance (Dhvanyâloka) qui fut ensuite commenté par Abhinava Gupta. Voici ce verset : yā vyāpāravatī rasān rasayituṃ kācit kavīnāṃ navā dṛṣṭir yā pariniṣṭhitārtha-viṣayonmeṣā ca vaipaścitī / te dve apy avalambya viśvam aniśaṃ nirvarṇayanto vayaṃ śrāntā naiva ca labdham abdhi-śayana ! tvad-bhakti-tulyaṃ sukham // "Cette puissance nouvelle des poètes de savourer les saveurs (rasa) et cette vision savante qui s'éveille à la vérité certaine des choses : nous nous sommes appuyés sur ces deux (approches) pour décrire inlassablement toutes choses... Ainsi épuisés, nous n'avons (pourtant) pas atteint un bonheur comparable à l'amour pour toi, ô toi qui couche sur l'océan !" Ânanda Vardhana, Dhvanyâloka, II, 43 Ce verset est cependant différent. Ânanda renvoie les poètes et les philosophes dos à dos et distingue les amoureux du divin (bhakta). Tandis qu'Utpaladeva, qui vînt une génération après Ânanda, laisse entrevoir une réconciliation pleine et entière de la philosophie et de l'amour (bhakti), dans lequel il range implicitement la poésie. Ainsi l'art, avec ce qu'il comporte d'artifice, complète la connaissance de l'art divin, la philosophie. Laquelle, au reste, est aussi une expression du même amour, comme son appellation occidentale l'indique assez. Amour de la vérité, amour du beau convergent et se nourrissent mutuellement. Certes, à première vue, la connaissance rend lucide, alors que l'amour aveugle. Mais n'est pas vrai quand l'objet des deux est l'absolu. Car alors, on tend vers le même objet, puisque l'absolu est un. Ici encore, amour et connaissance sont deux phases d'une même respiration et vivent l'un par l'autre, comme un couple parfait. Artículo*: noreply@blogger.com (David Dubois) Más info en psico@mijasnatural.com / 607725547 MENADEL (Frasco Martín) Psicología Clínica y Transpersonal Tradicional (Pneumatología) en Mijas Pueblo (MIJAS NATURAL) *No suscribimos necesariamente las opiniones o artículos aquí compartidos
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